Faut-il lire Jean-Marie LE GUEN?

Dans « Sauvons notre Santé, avant qu’il ne soit trop tard », Jean-Marie LE GUEN pose les bases d’un acte fondateur du passage du modèle tout curatif, à un projet global de Santé Durable. Après de nombreux constats et solutions déjà connus et reconnus des français et des professionnels, le meilleur est gardé pour la fin, avec une vision qui porte un souffle, mais dont il faut murir l’ancrage dans le concret

Refondre le système de santé.

Il propose d’investir sur la médecine de ville. Je ne retiens pas sa proposition de former plus de médecins. Depuis 2007, le numérus clausus a déjà doublé, et le fossé démographique est annoncé de 2015 à 2020, trop tard, c’est seulement en 2020 que sortiront les renforts attendus. Il aurait fallu insister sur la répartition territoriale. Il met en avant des propositions déjà dans les tuyaux de réorganisations avec les maisons et pôles de santé ou encore la mise en place de nouveaux modes de rémunérations des professionnels. Les créations de nouveaux métiers et nouvelles tâches dévolues aux infirmières ne sont pas plus précises.  Il préconise d’étendre la mise en place de numéros d’urgences uniques à toute la France, pour désengorger  l’hôpital et lui permettre de se recentrer sur ses missions. Evidemment ce ne peut être fait que lorsque la réorganisation territoriale et la gradation des soins sera effective. En attendant l’idée est là et le chantier est immense.

La séparation des pouvoirs en santé.

Après le scandale du Médiator, la séparation des pouvoirs et l’arrêt du recours d’ experts aux conflits d’intérêts manifestes s’imposent. JMLG pousse la logique jusqu’à proposer la création d’une Agence Médico-Economique chargée d’informer les autorités sur le médicament, ainsi que  de renforcer l’autonomie de la Haute Autorité de Santé.

La Santé Durable par une approche globale

Ce concept part du constat de failles dans le système de soins,  les surhospitalisations  consomment 10% des dépenses de santé, et les surmédications tuent. L’explosion de nouvelles maladies longues et chroniques, créées par nos modes de vie, engagent des dépenses qui rendront insoutenable notre système de solidarité nationale. Il rejoint donc, mais ne le sait pas encore, la déclaration de l’ONU du 19 septembre 2011. L’appel aux gouvernements propose d’ instaurer des objectifs santé dans toutes les politiques. Ici, JMLG veut  lutter contre les dépenses de santé inutiles, voire dangereuses, en créant un ORDAM, un Objectif Régional des Dépenses d’Assurance Maladie, sur la base des travaux de Didier TABUTEAU ((Didier TABUTEAU Conseiller d’Etat)). 15% de la santé de la population dépend du système de soins, 85% de nos modes de vie, c’est donc  sur la santé au travail, la santé à l’école, l’alimentation et l’activité physique qu’il faut agir.  Il propose de convoquer un Grenelle de l’alimentation pour revoir notre politique agro-alimentaire. Comme Edgar MORIN ((Edgar MORIN, Philosophe, « La Voie » Fayart, Février 2011)), il met en avant les solutions locales, y compris les circuits courts, pour promouvoir de nouveaux modèles économiques, respectueux de l’homme et de sa santé. Ainsi il va jusqu’à proposer de sortir de laisser faire industriel, en proposant une mesure inspirée du modèle Suédois, où l’Assurance Maladie se place dans une logique d’achat des médicaments. Ce qui réduit fortement le coût des achats. De la même manière, il estime nécessaire de revisiter les pratiques pour qu’elles soient moins invasives, et propose une évolution calée sur les préconisations de la communauté médicale internationale les 4 P: prédictive, personnalisée, préemptive et participative. Il ne nie pas la nécessité d’avoir un débat éthique sur le sujet, mais n’exclue rien de la médecine du futur.

Un format difficile

Paradoxalement,  Jean-Marie Le Guen écrit un livre pour le futur qui par son titre, ses couleurs rouge et noir, ses introductions de chapître avec des exemples concrets, me renvoie 12 ans en arrière,  lorsque j’ai co-écrit « A propos de nos hôpitaux qu’il est encore temps de sauver ». Ma volonté était de parler aux gens, dans un langage accessible, d’un sujet politique des plus complexe. L’exercice est difficile, mais ici, on peut dire qu’il est réussi. Et s’il laisse l’expert ou le professionnel sur sa faim, car on attend qu’il rentre dans le détail du « comment on fait? », il apporte un souffle inédit dans la pensée de la santé à gauche. Son engagement à porter une autre vision est là, c’est maintenant au public de la recevoir et de la porter avec lui.

Solange MENIVAL

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