La fausse bonne idée de la FHF ?

La Fédération Hospitalière de France propose que des médecins hospitaliers prennent en charge des cabinets fermés par les libéraux, ou se déplacent au domicile des patients, notamment lors de la permanence des soins. Si l’intention a au moins le mérite d’être une alternative crédible et rassurante pour palier à la carence de médecins, elle invite à la réflexion sur la dispersion des fonctions,  elle pose la question de la place des soins primaires et du rôle  du médecin généraliste.

Une frénésie de solutions aux déserts médicaux est en train d’agiter les professionnels de la santé et des politiques, sans qu’aucun consensus ne se dégage  sur le remède à appliquer. J’y vois une raison majeure : on n’a pas posé le bon diagnostic. Nous sommes dans un bouleversement fondamental, un changement de paradigme. Si l’on a parlé du changement de génération, de mentalité, de necessité de travailler en exercice regroupé et pluriprofessionnel, de féminisation, de conditions de vies, on a oublié une transformation majeure , celle des maladies, car elles ont changé.

Des maladies transmissibles aux maladies non-transmissibles.

Les maladies infectieuses,  grâce à la médecine moderne et à nos hôpitaux, ont été vaincues, et on l’espère, durablement. Notre système de soin a été bâti pour répondre à ces maladies, et d’autres encore, avec les moyens techniques les plus performants, en particulier en France, où les résultats en  mortalité évitable, quant on est à l’hôpital, sont les plus bas au monde. Malheureusement, d’autres maladies sont apparues, avec l’allongement de la durée de vie, mais pas seulement.  Cancers, insuffisance cardiaque, obésité, hypertension artérielle, diabète, asthme, allergies, dépressions… Ce sont les maladies chroniques, que l’on appelle aussi les maladies non-transmissibles. Ce sont des maladies liées à nos modes de vie et à notre environnement. Elles ont augmenté de 80% en 20 ans. Elles nécessitent une prise en charge en amont. L’ONU ne s’y est pas trompée, qui a fait signer aux Etats, dont la France, de lutter pour la santé à travers toutes les politiques. Ainsi, on peut penser que les maladies non-transmissibles sont responsables de nos très mauvais résultats en mortalité prématurée avant 65 ans. 205 décés pour 100000 hab quant la moyenne des pays de l’OCDE est à 180, il y a un problème.  Quant à notre système de santé, il est resté centré sur l’aigüe, centré sur l’hôpital, laissant une zone de son champ d’action en sous-développement :  

Les soins primaires.

Les soins primaires doivent être compris comme des soins fondamentaux. Ils se caractérisent par la prise en charge globale de la personne, l’organisation de l’accès et de la continuité des soins, leur coordination. Ils sont conçus avec des équipes pluriprofessionnelles, dirigées par un ou plusieurs généralistes. La promotion de la santé, la prévention et l’éducation thérapeutique sont conçues par ces équipes. Celà ne peut être pensé que dans le cadre de vie des patients, avec leurs proches, dans la connaissance de leurs conditions de vies. Nulle improvisation. C’est un travail au long court qui mobilise la chaine du soin, en passant par l’assistance à la personne, grâce aux développement des technologies de l’information. La gradation des soins est élaborée par les professionnels et expliquée aux patients. Les gains sanitaires sont maintenant évalués en Europe, ils sont considérables, car ils répondent à la complexité des maladies chroniques et aux polypathologies qu’elles induisent.

Il est temps de refonder la chaine du soin en France,

Les professionnels auraient intérêt à se saisir des expériences étrangères pour refonder notre système de santé, en organisant une gradation des soins, en développant les soins primaires. Ils  redonneraient  une place pivot au généraliste, éviteraient les hospitalisations inutiles ( 25%), désengorgeraient les urgences. Cela  permettrait à l’hôpital de se recentrer sur ses missions, deviendrait ainsi plus fort face à la concurrence du privé. Sur le plan financier, l’économiste américaine Barbara STARFIELD a fait la démonstration des gains importants à en attendre. En Andalousie, pour 1€ investit, preuve est faite que le retour est de 7 € à 10 ans. Investir, tout de suite dans les soins primaires, est une nécéssité sanitaire et économique.  Tout porte à croire que se ne sont non pas des dizaines, ni des centaines, mais des milliers de vies qui pourraient être sauvées chaque année, ce qui n’a pas de prix.

C’est l’heure du changement, et c’est bien d’une refondation de notre système  de soin dont nous avons besoin. Toute solution, prise dans l’urgence, ou pour répondre à l’urgence, même avec les meilleures intentions, passe à côté de ces enjeux.

Solange MENIVAL.

 

 

 

 


Comments

  1. Excellente analyse de Solange Menival avec laquelle l’ANTEL est en totale symbiose . La Telemedecine doit permettre de structurer les soins de premier recours afin de prévenir les envois aux urgences et/ ou les hospitalisations évitables.

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