La santé intégrée, à l’heure européenne !

Au congrès de l’ANTEL, les expériences européennes d’ENRICH,  sur les nouvelles organisations de télésanté et télémédecine, ont montré des décalages d’au moins dix ans entre les systèmes. La France et l’Allemagne sont scotchées sur la ligne de départ, tandis que la Suède comme l’Andalousie ont des retours remarquables.

Pourquoi parler de Santé Intégrée ?

D’abord, il faut une éthique, un engagement dans l’humain et pour les citoyens nous disent  Peteris ZILGALVIS (1) de la Commission Européenne et Camille BULLOT(2) de l’Association Européennes des Régions. Développer la télémédecine est un objectif à dix ans, pour lequel il faut viser une interopérabilité européenne, en lien avec les Etats. Il faut passer de la e-santé à la santé tout court, car ce n’est pas la technologie qui est un but en soi, mais le rendu au patient. Ce n’est possible qu’avec la participation active de ce dernier, en confiance, qui devient acteur de sa santé. En Suède, au Norbotton, il n’y a plus qu’un seul dossier médical personnel, construit autour des besoins des usagers.  Aux Pays Bas, on développe la notion de Smart Care pour améliorer le quotidien du patient à la maison, participer à la vie sociale et être plus autonome. En Roumanie, une expérience à Govasna, utilise  la e-santé pour permettre à la population non-assurée d’être suivie. En Andalousie, Jose Luis ROCHA (3) a donné les résultats d’une politique de santé battie sur une stratégie régionale. En possession d’une carte DIRAYA , de la prise de rendez vous à la e-prescription, l’usager gère facilement ses démarches administratives et  accede à son dossier.

Quels en sont les bénéfices ?

Du point de vue des usagers, la facilité d’utilisation n’est possible qu’avec un temps d’apprentissage. Mais ensuite, les expériences montrent un attachement au système de télésurveillance par exemple, comme un moyen de sécurisation. Le télésuivi  permet d’impliquer l’usager et de le rendre actif dans sa prise en charge. La e-prescription limite les interactions médicamenteuses, avec un système d’alerte chez le médecin prescripteur et chez le pharmacien délivreur du médicament.

Du point de vue des professionnels: ils sont moteurs du système, et très souvent co-constructeurs. Tout part de leur usage, et leur usage est pluriprofessionnel, partagé, coordonné, gradué. Ces organisations ont demandé une réflexion qui a commencé depuis plus de dix ans, parfois vingt ans. Ils se sont formés. Le gain de temps médical est considérable car les tâches administratives sont élminées. Les modes de rémunérations ont été adaptés, soit à la capitation comme en Suède, soit mixte acte + forfait comme en Algarve au Portugal.

Du point de vue économique, les gains sont importants, mais il ne faut pas attendre de retour avant 10 ans! Pour 100 € investi, l’Andalousie déclare un retour de 277 € . 500 millions d’€ ont été économisés avec l’emploi des génériques. La Suède note les gains de temps  et  de déplacements pour tous, dans un pays où les conditions climatiques sont difficiles, la continuité des soins est assurée.

Du point de vue des gains sanitaires, les maladies chroniques sont mieux suivies, les surmédications évitées, les hospitalisations inutiles diminuées. L’espérance de vie est identique à la notre, et la mortalité adulte évitable ( de moins de 65 ans) moindre que chez nous!

Pourquoi  ce retard à l’allumage en France et en Allemagne ?

Je me bornerai à poser les faits. Le Pr BRAUNS (4) Président de DG Télémed en Allemagne, comme le Dr SIMON (5) Président de l’ANTEL en France, ne cachent pas les difficultés qu’ils ont à faire comprendre que la e-santé est une révolution culturelle des professionnels, à mener de front avec les patients  et les politiques. Il faut surmonter le scepticisme médical face au changement de paradigme. L’expertise médicale doit être partout. Pourtant, « nous en sommes à nous demander à qui appartient le patient et qui paie? pourquoi? » nous dit le Pr BRAUNS. De nombreuses expériences, en Allemagne comme en France ont fait leurs preuves, mais les obstacles sont très nombreux pour passer à l’application plus générale. La région Aquitaine, sous l’impulsion de son Président Alain ROUSSET(6), a créé un cluster e-sante  pour développer une filière industrielle. Télésanté Aquitaine crée les conditions d’application de déploiement du DMP ( Dossier Médical Personnel), de la télécardiologie, de la qualité  et de la transmission des données. Malgré celà, les freins restent énormes, car tout se construit à petit pas, avec  le peu de moyens dont disposent les ARS. Résultat, le marché ne suit pas, et les progrès se font attendre.

En conclusion de nos travaux, Annie PODEUR (7) , Directrice Générale de la DGOS, consciente du long chemin à parcourir, a annoncé le déblocage de près de 40  millions d’euros pour déployer la télémédecine. En Suède, il a fallu 73 millions d’euros, dont 5, 5 millions de fonds européens FEDER, pour créer 9000 km de fibre optique. Les enjeux vont bien au delà de l’équipement au coup par coup, qui privilégie le déploiement séquencé et par spécialités. Le réseau ENRICH conclue qu’il faut  un déploiement qui porte une vision stratégique nationale, dans le but d’une intéropérabilité européenne, avec une mise en oeuvre régionale. Cette mise en oeuvre régionale doit être globale, intégrer tout le système de soins, en partant des soins primaires et des territoires. Du local au global pour maintenir une cohésion sociale, sanitaire, territoriale et systémique. Car il faut intégrer la santé dans toutes les politiques, et  gérer le changement. Les Etats et les régions d’Europe n’avancent pas à la même vitesse, comme si une horloge mystérieuse ralentissait les puissants et faisait avancer les petits.

 

Solange MENIVAL, Présidente du Réseau ENRICH (Européen network of Regions, Improving Citizens Health.

 

1 ) Peteris ZILGALVIZ, Chef d’unité TIC pour la santé, Dir Gen SI de la Commission Européenne

2 ) Camille BULLOT, Secrétariat Taechnique du réseau e-santé de l’Assemblée des Régions

3) Jose Luis ROCHA, Directeur qualité, Misitère de la Santé d’Andalousie

4 ) Pr BRAUNS, Président de DG Télémed, Allemagne

5 ) Dr Pierre SIMON, Président de l’ANTEL , AssociationNationale de télémédecine, France

6 ) Alain ROUSSET, Président du Conseil Régional d’Aquitaine, député de la Gironde

7 ) Annie PODEUR, Directrice Générale à la DGOS, Direction Générale de l’Offre de Soins

 

 

 

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